TERRE DU NORD
TERRE DE MIGRATIONS
Le 8 décembre, c'est l'Immaculée Conception et sans doute que Marie nous a aidé à ouvrir notre existence pour mieux accueillir les autres et le Tout-Autre. Nous avons vécu cela en allant aux épis d'Or pour la messe et le goûter avec les résidents.
Puis les membres de la petite commission sont venus tout installer à la salle... Nous étions nerveux, c'est vrai; l'an dernier, pour la journée débat-forums sur les chemins de solidarité dans le travail, la neige s'était invitée; cette année, c'est la tempête qui a sans doute cloitré bien des visages...
Mais la salle était trop petite et nous avons été bien sérrés, comme si les difficultés nous rapprochaient...
Les jus de fruits et petits gâteaux réconfortaient chacun, mais les enquêtes des enfants ("Dis, papi-mami-papa-maman, comment ça se fait qu'on est arrivé ici ?") et l'expo du ccfd donnent le ton.
C'est ensuite l'accueil d'Olinda et de Georges ...
Déjà ça décoiffe autant qu'une tempête...
Bonsoir à vous à toutes et tous, et Bienvenue
-Je m’appelle Olinda et je suis arrivée à Wallers à l’age de 2 ans, avec mes parents, frères et sœurs, venant d’un petit pays qu’est le Portugal. Mes parents ont en cela suivi mon grand-père arrivé avant la guerre, pour travailler. Migration économique et peut-être aussi politique, le Portugal vivant alors sous la dictature.
- Je m’appelle Georges ZAFINDRATAFA. Ayant été recruté comme Professeur de Mathématiques à l’Université de Valenciennes, je me suis installé la première fois dans le Valenciennois, et plus précisément à Fresnes Sur Escaut, en 1993, avec ma femme et mes 3 enfants. Après un séjour d’un an à Paris, j’habite à Haveluy depuis décembre 2000. J’ai quitté Madagascar pour résider en France, pour deux raisons : d’abord pour assurer les études de mes enfants, et ensuite pour répondre à mon recrutement à l’Université de Valenciennes.
Comme nous deux, vous devez sans doute être nombreux dans cette salle qui pourriez partager avec nous des histoires semblables et a la fois très différentes. Vous pourriez nous dire comment vos familles sont arrivées dans notre région.
Eh oui, Combien d’anecdotes, combien d’histoires, combien de joies, de larmes, combien d’espoir et d’espérance au travers de ces migrations, de ces départs de pays, ou simplement de régions ou de villes.
Nous sommes deux « migrants » pour vous accueillir dans cette soirée sur « Terre du Nord, terre de migration »
La richesse de notre communauté vient de nos différences, de tous ce que ces cultures différentes ont apportées aux éléments sociaux et à l’économie de notre région
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La commission qui s'est préparée depuis juin a su profiter et faire profiter du texte des évêques d'octobre en vue des élections; nous lisons ensemble la partie qui concerne les migrants.
Puis c'est un travail en petits groupes et la remontée des réactions et de ce que nous entendons dans nos entourages: "pourquoi viennent-ils ici ? " "pourquoi les élites ne rentrent pas dans le pays pour développer leur société ? " "Sommes-nous vraiment prêts à changer nos mentalités et à perdre de notre confort pour faire vivre les autres ?"
La grande chance a été l'intervention de Julien, 21 ans, étudiant en maitrise d'histoire...
Sa voix a été timide au début, pour sa première intervention devant une assemblée nombreuse avec en plus la présence de Pierre notre historien local.
Parler de l’immigration, notre immigration, c’est parler d’histoire, notre histoire, celle que chacun de nous écrit à la plume de son vécu. Je vais donc essayer ce soir de concilier l’expérience de chacun avec l’histoire et la mémoire de tous. Ici, dans notre paroisse, notre région l’immigration a construit et conditionné nos vies. Rendons donc aux immigrés ce qui leur appartient. Que serait notre paroisse si il n’y avait pas eu ce passé migratoire ? On n’aurait pas tourné Germinal à Arenberg car sans les mineurs belges, polonais, italiens et marocains pas de mines possibles, donc pas de corons, d’Eglise sainte barbe et il est fort à parier que même notre paroisse ne s’appellerait pas Ste barbe. Il n’y aurait pas eu autant de commerçants, on avait par exemple, un boucher à Helesmes dont le patronyme indiquait qu’il était sans doute d’origine polonaise. Mais l’apport est plus varié que cela il s’étend aussi à la vie associative, à la culture même de notre région. L’immigration dans notre région est surtout liée à des motivations économiques, l’immigré vient chercher du tra vail, dans les mines de Lambrecht et d’Arenberg, les mines d’Anzin vont dans tout le valenciennois bouleverser le paysage humain, des dizaines de milliers d’immigrés sont recrutés directement dans leur pays pour abattre le charbon. Donc quand on parle d’immigration dans nos communes cette immigration est surtout due à l’exploitation minière. Il est certes des immigrés qui ont travaillé dans d’autres secteurs, mais l’essentiel des étrangers sont venus sur la demande des Houillères, et dans une moindre mesure d’USINOR.
L’immigration est un phénomène qui remonte à la nuit des temps, le Nord est un lieu de brassage de peuples, cependant l’histoire de l’immigration est assez récente et donc beaucoup reste à faire.
Car la mémoire de l'immigration a un gros problème, c'est qu'elle est capricieuse et un peu paresseuse , elle efface des pans de notre histoire...
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Si on considère ce qu’a retenu notre mémoire du passé de notre paroisse et au-delà de notre région et de notre pays, beaucoup d’épisodes ont été escamotés. Notre paroisse s’est construite dans une grande part grâce à l’immigration. Le Nord Pas de calais a pu développer son industrie grâce aux immigrés. La France est devenue une grande puissance économique et politique à ceux qui ne sont pas né sur son sol. Ce sont des étrangers qui dès 1940 ont permis à la France de se relever d’abord politiquement grâce à son armée composée essentiellement de coloniaux et de la Légion étrangère. Comment oublier Bir hakeim et Monte Cassino, ces victoires qui ont rendu l’honneur à l’armée française ? Comment oublier que la France s’est reconstruite en partie grâce aux efforts des populations immigrées ? comment oublier alors que beaucoup d’entre nous n’ont pas de racines profondes dans le terreau de notre région et que certains ont dû la quitter. Bref, migrer est un trait de notre culture qui doit nous permettre de comprendre le déracinement et aider à la tolérance de l’autre
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Le silence puis les applaudissements de la fin de l'intervention ont montré à quel point Julien nous a apporté et a donné un nouvel éclairage aux questions et remarques que nous entendons habituellement...
Puis ce sont les interventions et questions : "mon père polonais s'est engagé dans l'armée pour avoir la nationalité française, il est mort et je suis pupille de la nation" "c'est vrai qu'après les grèves de 1980 les rains ont eu plus de droits..."
"C'était trop court..."
"Quand est-ce qu'on refait cela, on a envie encore d'apprendre.."
Eh bien rendez-vous pour le quatrieme volet de la fête de paroisse
LE 10 FEVRIER A HELESMES
POUR UN GOÛTER MULTICULTUREL
avec beaucoup de joie et de jeux pour petits et grands...
faisons l'expérience de vivre ensemble
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Merci à la petite commission et à Julien, qui a d'ailleurs accepté de partager son travail (voir texte en pièces jointes).