Le mois d’Avril commen ce avec l’entrée en semaine sainte : c’est la semaine où les chrétiens font mémoire des derniers moments de Jésus, avec les témoignages des premiers disciples, qui sans complaisance, et avec ce souci d’être vrais pour être crédibles, décrivent les humains : on y retrouve bien souvent et malheureusement, un peu de nous mêmes. Quelle humanité décrivent-ils ? Une humanité qui veut avoir le pouvoir et qui complote ( le sanhédrin de l’époque). Une humanité qui veut être tranquille et qui cherche à ne pas faire de vague, quitte à laisser un innocent être tué (Ponce Pilate). Une humanité qui se laisse manipuler et qui crache, murmure, sait faire passer toutes les rumeurs (la foule, les serviteurs du sanhédrin). Une humanité qui laisse ses idéaux et ses valeurs au placard par peur, par souci de paraître, par peur de mourir (Pierre et les disciples qui s’auto-décrivent bien peu en leur faveur !). Une humanité, Judas, qui sans doute plus par idéologie que pour les 30 malheureux deniers, accepte de trahir et de livrer ce qu’elle a de plus cher au monde, en croyant
que des choses miraculeuses-spectaculaires vont arriver… Une humanité tellement inhumaine, impossible à vivre …Une humanité qui se terre avec les disciples, et une autre qui désespère tellement qu’elle s’auto-détruit (Judas) parce que… parce que, elle n’osera pas croire en cette folie : DIEU AIME cette humanité, malgré tout et malgré nous… quand même… follement… Il n’y a vraiment que Dieu qui ose cet Amour !
Et face à ce piètre tableau d’humains empêtrés dans leur paraître, leurs faux pouvoirs (quels pouvoirs avons nous sur la mort ?), leurs désirs de possession, il rétablit son amour en l’humanité par Jésus, son humanité à lui : face à la haine, aucune réponse, un silence d’un Dieu qui se laisse faire pour ne pas détruire, un silence de raison face à ceux qui ont des raisons de ne pas écouter sa parole, ceux qui veulent avoir raison sur les autres. Une humanité qui accepte les épreuves, les prend en face, avec la certitude, qu’un Autre, un Tout-Autre est là, avec lui. Une humanité qui dans la douleur et la souffrance voit aussi la souffrance et la douleur des autres, des femmes, de sa mère, du crucifié à côté de lui. Une humanité qui demande à son Père, à notre Père, de nous pardonner, ce « pardon, superlatif du don ». Une humanité fait de dépouillement, de pauvreté qui sait qu’elle va mourir et qui face à cela ne se défile pas dans des apparentes solutions qui n’en sont pas : Jésus sait que même là, un message d’amour sera donné. Une humanité qui chemine dans la foule au milieu de crachats, de murmures en se laissant atteindre et parfois réconforter par un linge qui recueille sa sueur, une éponge de vinaigre qui éteint la soif. Une humanité qui ne choisit pas, qui ne juge pas l’autre : « c’est toi qui le dis » répond Jésus à Pilate ; une humanité qui cherche à responsabiliser vraiment l’autre même si l’autre se défile. Une humanité qui transmet malgré tout ce qui est le plus précieux, malgré tout sans chercher le mérite de l’autre : « aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis » , « voici ta mère, voici ton fils ». La vérité vient parfois de la bouche des ennemis : « VOICI L’HOMME ! » clame Pilate en remettant un Jésus flagellé, moqué, isolé, abandonné aux mains de ceux qui veulent le crucifier. «
Vraiment, cet homme est le fils de Dieu ! » proclame le centurion romain à la mort de Jésus. Pour avoir une humanité aussi pure, un amour autant tourné vers son Père et les autres, dénué de tout amour propre, il faut être Dieu !
Dieu fait sa profession de foi à Pâques : il croit en l’humanité, il fait confiance, malgré tout ! Et aux disciples qui se terraient et s’enfermaient, amers et déçus autant de Jésus et surtout d’eux-mêmes, de leur couardise, de leur incompréhension, Jésus apparaît, ressuscitant leur existence à un amour plus grand que tout : « LA PAIX SOIT AVEC VOUS ! ». Leur existence ne peut plus être comme avant ! c’en est fini de leur tranquillité . Ils ont fait l’expérience d’un amour qui s’adresse à une humanité telle qu’elle est et qui cherche à ce que chaque être humain soit vu comme enfant d’un Dieu fou d’amour…Une dignité énorme que je reçois et que je vois aussi en chaque être humain, même le plus petit… même aussi le plus inhumain de bêtises ; certains ne peuvent consentir à être blessés et en deviennent blessants, tellement blessants qu’ils cassent la dignité des autres… parfois…
Cette semaine et cette Pâque que nous allons vivre pendant 7 semaines, nous aurons le choix : quelle humanité allons nous essayer de vivre ? Quels gestes, paroles, solidarité, actions, choix allons nous faire ? Attention, c’est dangereux : nous pouvons nous perdre nous mêmes ou accepter de bâtir un monde plus humain, plus vrai au risque parfois de perdre de ce qui n’est pas nous (argent, tranquillité, souci de paraître, jugement sur les autres, envie d’avoir raison…)
« Il faut misère pour avoir cœur ! » Acceptons notre fragilité et celle des autres, rejoignons ce Christ qui cherche à nous sauver, à donner tout l’amour de ce Père à chacun et à tous. Osons rejoindre les autres dans leurs fragilités… avec la pédagogie du Christ…
Pour voir et choisir l’essentiel , j’aime bien parfois me dire « aujourd’hui, fais comme si c’était ton premier jour : tu verras la beauté de chacun sans t’y habituer ! fais comme si c’était ton dernier jour : tu verras la fragilité des autres et la tienne avec beaucoup de complaisance et de tendresse ! tu consentiras à ce regard d’un Tout Autre qui aime infiniment ! »
Soyons communauté de Pâque, en re-suscitant chaque être humain à sa dignité…
Bonne Semaine Sainte… Bonne Fête.
Jean-Denis, simple prêtre et apprenti chrétien.